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Un courrier inattendu

Préambule

Il y a quelques jours de cela j’étais encore assoupi vers les rosiers du jardin de l’auberge, quand mon ami l’archiviste de Nosyland me remis une pile de courriers !
Parmi ces enveloppes et ces timbres bariolés, une a particulièrement retenu mon attention, une lettre de Ngilozi, une citoyenne fort sympathique par ailleurs.
La lettre commençait comme cela ….

Un courrier inattendu

Le Grosyland, pour moi, ce sont plein de personnes qui ne me comprennent pas quand j’essaie d’expliquer quelque chose. La plupart d’entre elles me prennent pour une marginale depuis ma plus tendre enfance. Je n’ai jamais trop compris pourquoi… Enfin si, les problèmes ont commencé quand mon père est tombé malade. Je n’étais plus comme tous les autres enfants, dont le père travaillait. Le mien, il était au chômage. Puis un jour, il a pété les plombs. Il a dû être hospitalisé. Il n’était pas atteint d’une maladie comme le cancer, qui inspire de la compassion. Lui, il était schizophrène, enfin c’est ce que les docteurs ont dit. On l’a enfermé dans un hôpital psychiatrique. Ma mère a vendu notre belle maison à la campagne. On a commencé à vivre juste tous les trois avec mon petit frère.
À partir de ce jour-là, les autres enfants nous regardaient un peu différemment. C’était il y a longtemps, dans les années 80. Il n’y avait pas beaucoup de femmes qui élevaient leurs enfants seules. Eh puis mon père s’est suicidé. On a changé d’école. Quand on me demandait ce que faisaient mes parents, je devais répondre que mon père était mort. Alors mes nouveaux camarades ouvraient grand les yeux : ils étaient souvent gênés, ne savaient pas quoi dire. Au bout d’un moment j’en ai eu marre. J’ai fini par raconter que mon père travaillait chez Renault. Ça c’était normal… et moi je commençais à le devenir un peu moins. Je devais mentir pour que l’on m’accepte telle que j’étais, sans me poser de questions. Cela ne me semblait pas logique. Je me suis réfugiée dans la lecture. Les livres m’ont permis de réaliser que je venais d’une famille d’étrangers. On avait pour mission d’observer le Grosyland, mais un jour, on retournerait dans notre pays d’origine, Nosyland. Je n’ai parlé à personne de ma découverte.
Je me suis mise à écrire et à prendre des photos, pour ne pas oublier. Il y avait quand même de belles choses à vivre et à voir au Grosyland, d’autant plus que j’ai commencé à voyager. Je suis allée dans de nombreux pays, j’ai appris plusieurs langues. Je cherchais, je cherchais. Je savais au plus profond de moi que je retrouverai Nosyland. Cela a duré des années. Un jour, j’ai rencontré un être un peu à part, qui rêvait de venir s’installer sur une île au milieu de l’Océan Indien, La Réunion. Moi je rêvais de voir des baleines, des pailles-en-queue et des endormis, alors je l’ai suivi. En janvier 2023, quand j’ai posé les pieds à l’aéroport Roland Garros, à Saint-Denis, j’ai compris que je venais enfin de rentrer chez moi. Les Nosylandais ne voulaient pas que l’on découvre leur paradis, alors ils lui ont donné le nom de Réunion. Parce que c’étaient là que l’on finirait tous par se retrouver un jour: les étrangers, les marginaux, les rêveurs, les poètes…
Bon, bien sûr, quelques Grosylandais sont passés à travers les mailles du filet, mais en nous voyant si heureux, ils ont envie de nous ressembler. Petit à petit, ils comprennent qu’avoir des amis, c’est bien plus important qu’avoir un gros compte en banque. Ils préfèrent utiliser la june, la monnaie libre, plutôt que des euros. Ils mangent moins de carris et de poulets routes, boivent moins de rhum… puis surtout, ils arrêtent de juger. Ils comprennent que nous sommes tous différents, et que c’est ce qui fait la beauté et la richesse de Nosyland.
Ngilozi
Manapany les Bains
(31.10.2023)
Cette chronique fait partie d’une série de chronique 😉 Tu peux retrouver toutes les chroniques de Nosyland grâce à ces deux tags. Chroniques Chronique2
Préambule proposé par Alex
Ngilozi

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